Violation du principe de bonne foi en cas de doublement des frais juste après la conclusion du contrat
L’Ombudsman tint le raisonnement suivant: les clients avaient opté pour un modèle de placement sur vingt ans. On peut considérer que dans ce cadre, les frais tenaient compte de l’horizon de placement lointain et de la situation au moment de la conclusion du contrat, et qu’ils étaient calculés en conséquence. Même si la banque s’était réservé le droit de les modifier, cette clause ne lui donnait pas un blanc-seing. Elle ne devait et pouvait faire usage de son droit que dans le respect du principe de bonne foi. Selon l’Ombudsman, les clauses de ce type visent à permettre à la banque de modifier les frais et de répercuter les hausses des coûts sur le client. Or sous cet angle, un doublement des frais facturés, et ce moins d’un an après la signature du contrat, ne saurait se justifier.
Par ailleurs, dans son courrier d’information aux clients, la banque avait indiqué que sauf contestation de leur part dans un délai de six semaines, elle considèrerait que l’augmentation des frais était acceptée. Ne faut-il pas conclure de cette formulation que les clients étaient libres de refuser l’augmentation? Et ne serait-il pas logique que pour les clients qui contestent dans le délai imparti, et qui donc n’acceptent pas l’augmentation, on en reste à l’ancien tarif?
La banque resta sourde aux arguments des clients. Au cours des négociations directes qui s’engagèrent avec eux, elle ne leur laissa que le choix d’accepter l’augmentation ou de résilier le contrat. Les clients donnèrent à entendre d’emblée qu’ils ne souhaitaient ni l’un, ni l’autre. Et d’ailleurs, s’agissant d’une potentielle résiliation, ils subordonnèrent clairement leur accord à la condition que l’on s’entende sur les frais. Selon l’Ombudsman, cette déclaration n’était en rien assimilable à une résiliation sans réserve. Bien au contraire, les clients voulaient dire par-là qu’ils avaient fait erreur, car ils n’auraient pas signé le contrat en sachant que la banque doublerait les frais peu de temps après. Si l’on considérait que cette erreur était essentielle, il en résulterait qu’il convenait de rétablir le statu quo ante pour les parties, c’est-à-dire de les rétablir dans la situation qui aurait été la leur si le contrat n’avait pas été signé. Mais même sans aller aussi loin dans l’interprétation, l’Ombudsman considéra qu’on pouvait bel et bien reprocher à la banque d’avoir agi en violation du principe de bonne foi. Dans ce cas aussi, les clients ne devaient certainement pas la totalité des frais d’ouverture. Il était juste selon lui que les frais soient calculés proportionnellement à la durée, et c’est la proposition qu’il soumit à la banque.
Celle-ci ne suivit pas son raisonnement. Elle prétendit que la clause litigieuse était claire et sans ambiguïté. En outre, elle n’avait plus ajusté ses frais depuis longtemps. Et compte tenu du nombre de cas et de leur diversité, on ne pouvait pas attendre d’elle qu’elle applique des modalités différentes à chaque relation d’affaires. En ménageant aux clients un droit de contestation, elle avait voulu signifier que dans les cas extrêmes, on pouvait discuter. Or les clients n’avaient fait preuve d’aucune volonté de compromis (bien au contraire, ils avaient indiqué d’emblée que leur relation avec la banque, selon eux, ne reposait plus sur des bases saines, et qu’ils souhaitaient résilier le contrat): selon la banque, ils devaient donc assumer les conséquences d’une résiliation anticipée. Toutefois, pour mettre un terme aux discussions, la banque se déclara d’accord avec la solution proposée par l’Ombudsman et résilia le contrat, mais sans s’en reconnaître juridiquement tenue. Elle remboursa aux clients le montant investi jusqu’alors, déduction faite uniquement des frais d’ouverture calculés au prorata et des droits de garde tels que stipulés initialement.