Restitution de montants versés dans le cadre d’une affaire d’escroquerie présumée
L’Ombudsman a déjà rencontré les arguments avancés par le client dans de nombreux cas similaires. Les clients victimes de telles escroqueries ont apparemment recours à des prestataires, inconnus de l’Ombudsman, qui rédigent pour eux les réclamations à l’attention des banques et, le cas échéant, de l’Ombudsman. En effet, la formulation est quasi identique dans chaque réclamation. Dans un premier temps, les plaintes étaient rédigées en anglais, même pour les clients qui correspondent normalement en allemand, puis dans un allemand parsemés d’erreur, dues de toute évidence à une traduction automatique. Les mêmes formulations reviennent sans cesse, et les réclamations ne sont pratiquement pas adaptées aux cas concrets des clients ni ne font référence au droit applicable. Elles contiennent généralement de lourds reproches à l’attention des banques, ainsi qu’un pot-pourri désordonné d’arguments juridiques souvent tirés de la mauvaise interprétation d’un droit étranger, qui ne présentent par ailleurs qu’un lien très indirect avec les cas d’espèce des clients. Il est à craindre que les clients paient pour cette prestation et perdent ainsi encore de l’argent en sus de la perte découlant de l’escroquerie.
Malheureusement, il est souvent difficile de déterminer clairement ce qui s’est réellement passé, et les mêmes clients adressent souvent des réclamations presque identiques à l’encontre de plusieurs banques. Dans de tels cas, l’Ombudsman doit donc se contenter d’expliquer aux clients concernés la base juridique en lien avec les virements bancaires et les paiements par carte de crédit.
S’agissant des virements bancaires, les principes du droit du mandat imposent à la banque d’exécuter rapidement et correctement les ordres du client. Elle doit s’assurer que l’ordre a été transmis par une personne autorisée, respectivement que les moyens de légitimation convenus ont été fournis. Si les conditions convenues sont remplies, la banque est tenue d’exécuter l’ordre à temps. De l’avis de l’Ombudsman, elle n’est toutefois nullement tenue de vérifier les destinataires indiqués par le client et les circonstances entourant le paiement sur la base de critères spécifiques en vue de mettre en garde le client. De même, surveiller systématiquement les annonces des organismes officiels et non officiels relatives aux prestataires de services financiers et analyser les ordres des clients à la lumière de ces informations ne font pas non plus partie des devoirs d’une banque. L’Ombudsman n’a connaissance d’aucune disposition légale, exigence réglementaire ou décision judiciaire imposant une telle responsabilité aux banques. Au contraire, l’examen diligent de ses partenaires commerciaux incombe au client qui décide d’effectuer un paiement en leur faveur.
Au vu de ce qui précède, l’Ombudsman ne voit pas avec quels arguments il aurait pu amener la banque à indemniser le client pour les versements en question. En effet, rien ne laissait supposer que la banque n’ait pas exécuté les ordres de paiement conformément à ses obligations contractuelles, ainsi qu’elle en avait été instruite et y avait été autorisée par le client. La banque ne pouvait de toute évidence pas procéder à la restitution des montants, ceux-ci ayant été transférés sur un compte auprès d’une autre banque, sise à l’étranger. Dans un tel cas, un client peut certes demander à sa banque de réclamer la restitution des montants, mais il faut pour ce faire que l’argent se trouve toujours sur le compte du destinataire, et que celui-ci consente à la restitution du montant. En cas de soupçon avéré d’escroquerie, la banque peut également essayer d’enjoindre la banque destinataire à bloquer l’argent jusqu’à présentation d’une décision des autorités. En l’espèce, l’Ombudsman ne savait pas si le client avait demandé à la banque de réclamer la restitution des montants. De toute façon, dans la mesure où plusieurs mois s’étaient écoulés avant que le client ne s’adresse à la banque, il y avait lieu de douter que l’argent aurait pu être récupéré de cette manière, les escrocs inconnus disposant généralement des montants versés immédiatement après réception.
Un autre point important en l’espèce était le suivant: les montants n’ont apparemment pas été versés sur les comptes appartenant aux sociétés que le client accusait d’escroquerie, mais sur des comptes appartenant à des tiers. Or, deux questions restaient ouvertes, à savoir la relation que ces tiers entretenaient avec les sociétés dont les prétendus représentants avaient poussé le client à effectuer les versements, et l’éventualité que ces tiers aient été eux aussi victimes d’une infraction ou, du moins, abusés. Le client ayant déposé une plainte, il se pourrait que l’enquête de l’autorité de poursuite pénale permette de clarifier ces points ultérieurement.
S’agissant des paiements par carte de crédit, le client en a effectué deux. A cet égard, la banque lui a fait savoir qu’il relève toujours de la responsabilité du titulaire de la carte d’examiner le destinataire d’un paiement avant de déclencher celui-ci. Conformément aux règles du réseau de cartes de crédit concerné, le service d’une société d’investissement est réputé entièrement fourni sitôt que les montants sont crédités sur le compte de placement. Toujours d’après la banque, le titulaire de la carte ne peut faire valoir aucune prétention en restitution s’il devait plus tard s’avérer que les services de placement fournis ne correspondent pas à ceux qui lui ont été promis.
Selon l’Ombudsman, les obligations d’un émetteur de cartes de crédit sont le plus souvent définies contractuellement, dans les conditions applicables aux cartes. Ces dispositions prévoient en général qu’un paiement doit être effectué s’il a été autorisé par le client (respectivement, si les moyens de légitimation convenus ont été fournis). D’après l’expérience de l’Ombudsman, les conditions applicables aux cartes n’imposent pas à l’émetteur l’obligation de vérifier les destinataires des paiements par carte de crédit et, le cas échéant, de mettre en garde leurs clients contre certains destinataires. Il n’a du moins connaissance d’aucune décision judiciaire ni opinion de doctrine qui appuierait l’existence d’une telle obligation. Dès lors, il incombe bel et bien au titulaire de la carte d’examiner avec soin son cocontractant avant de lui faire un versement. La banque, respectivement l’émettrice de la carte et l’organisme de cartes de crédit, répondent uniquement de l’exécution du paiement et ne sont pas impliqués dans l’opération de base, c’est-à-dire dans le contrat conclu entre le titulaire de la carte et le commerçant ayant accepté le paiement par carte.
Nonobstant ce qui précède, les règles des organismes de cartes de crédit prévoient la possibilité de demander un remboursement dans certains cas. Par exemple, conformément aux guides relatifs à la rétrofacturation (chargeback guides), une restitution peut avoir lieu lorsqu’un commerçant n’a pas fourni une prestation garantie contractuellement (motif de la rétrofacturation: «service non fourni»). A la connaissance de l’Ombudsman, des délais de contestation plus longs que les 30 jours habituels s’appliquent en outre dans de tels cas. En l’espèce, lorsqu’il est question de paiements en faveur d’établissements financiers agissant, selon le client, de manière frauduleuse, il y a effectivement lieu de se demander si un tel motif de rétrofacturation ne pouvait pas être invoqué. Dans sa réclamation à l’Ombudsman, le client a d’ailleurs expressément fait valoir ce motif.
Au vu de ce qui précède, l’Ombudsman a contacté la banque afin de lui demander pourquoi aucune procédure de rétrofacturation n’avait été menée en l’espèce. Selon la réponse de la banque, le client a expressément autorisé la transaction à l’issue d’un processus d’authentification à deux facteurs sur son application mobile. Dans un tel cas, il n’est pas possible de demander une rétrofacturation. La banque a rappelé son point de vue, à savoir que la prestation d’une société d’investissement est réputée fournie selon les réseaux de cartes de crédit lorsque l’argent débité de la carte du client a été crédité sur son compte auprès de ladite société. Les délais plus longs accordés en cas de contestation pour le motif «service non fourni» ne sont valables que si le commerçant n’a pas immédiatement fourni le service. En l’espèce, le client n’ayant pas contesté la transaction en temps opportun, la banque n’était pas non plus disposée à faire un geste commercial s’agissant des transactions effectuées par carte de crédit.
L’Ombudsman a déploré cette position adoptée par certains émetteurs de cartes de crédit. A ses yeux, si un client prétend qu’une société d’investissement n’a pas utilisé son argent comme convenu contractuellement, il peut invoquer le motif de rétrofacturation «service non fourni». Les émetteurs de cartes de crédit devraient proposer d’ouvrir une procédure de rétrofacturation, dans le cadre de laquelle le destinataire du paiement aurait la possibilité de prouver qu’il a bel et bien fourni la prestation promise. Cependant, il est question ici de l’interprétation d’une règle interne des réseaux de cartes de crédit, de laquelle un client ne peut de toute façon tirer aucun droit direct. Cela étant, l’Ombudsman considère que le devoir de diligence et de fidélité des émetteurs de cartes de crédit envers le client leur impose d’utiliser cet outil lorsqu’il est disponible.
Néanmoins, l’Ombudsman a souvent pu constater que les procédures de rétrofacturation n’aboutissent pas en faveur des clients dans de tels cas. La raison en est que les destinataires des paiements ne sont vraisemblablement souvent pas eux-mêmes des escrocs, mais des entreprises généralement reconnues qui ont été elles-mêmes abusées par des malfaiteurs, ceux-ci ayant réussi à se procurer un accès aux comptes des clients par leur biais.
En définitive, l’Ombudsman n’a constaté aucun comportement fautif de la part de la banque s’agissant des virements bancaires. En revanche, s’agissant des transactions par carte de crédit, il aurait apprécié qu’une procédure de rétrofacturation soit ouverte, quand bien même le client n’aurait probablement pas obtenu gain de cause. Quoi qu’il en soit, compte tenu de la position de la banque et de son refus de transiger, l’Ombudsman n’a pas eu d’autre choix que de clore le dossier en expliquant au client les points exposés ci-dessus. Il a d’ailleurs dû en faire de même dans d’autres cas similaires, et ce pour les mêmes raisons.