Résiliation de la relation d’affaires par la banque après la clôture de la procédure de médiation devant l’ombudsman
Le jeune client était titulaire d’un compte d’épargne Jeunesse que ses parents avaient ouvert pour lui auprès de la banque en 2001. Après le début de son apprentissage en 2015, il a commencé, à partir de novembre de la même année, à utiliser sa carte de débit pour effectuer régulièrement de petits retraits aux guichets automatiques de la banque et payer ses repas de midi dans des restaurants self-service. En juillet 2014, il avait reçu un courrier de la banque l’informant que les retraits aux guichets automatiques de la banque ainsi que les achats auprès de certains magasins effectués au moyen de sa carte de débit n’engendraient pas de frais.
En mars 2017, ayant atteint sa majorité, le client s’est rendu à un guichet de la banque afin de régler certaines formalités. A cette occasion, il a été informé que, s’agissant de son compte d’épargne, les douze premiers retraits et achats de l’année n’engendraient bel et bien pas de frais, mais que des frais de 5 CHF étaient ensuite facturés pour chaque transaction supplémentaire. Le client a donc été forcé de constater, à sa grande surprise, que des frais d’un montant total de 50 CHF avaient déjà été prélevés sur son compte pour les mois de février et mars 2017. Pourtant, vu le courrier qu’il avait reçu en 2014, il pensait que les retraits étaient sans frais et ce, de façon illimitée. Dans la mesure où il estimait que le prélèvement des frais constituait une «violation du contrat et du principe de la bonne foi», il en a exigé le remboursement. Le client a en effet émis l’hypothèse que les dispositions contractuelles relatives aux frais étaient entrées en vigueur le 1er janvier 2017 sans qu’il en ait été informé.
La banque ne s’est toutefois pas déclarée disposée à rembourser les 50 CHF. Elle a indiqué au client que, dans le cadre d’un compte d’épargne Jeunesse, la notion qui se trouvait au premier plan était celle de l’épargne. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle les comptes d’épargne Jeunesse bénéficiaient d’intérêts plus élevés. En outre, la règle prévoyant que les douze premiers retraits de l’année n’engendraient pas de frais et que les suivants étaient facturés 5 CHF chacun n’avait rien à voir avec les dispositions relatives aux frais concernant les cartes de débit. En effet, les frais étaient définis dans une brochure et s’appliquaient de manière inchangée depuis 2005. La banque a également relevé qu’en 2016, elle avait déjà accordé au client un rabais de 600 CHF sur les frais lui incombant. A ses yeux, un geste commercial supplémentaire n’entrait donc nullement en ligne de compte. Ne s’estimant pas satisfait de la réponse de la banque, le client s’est alors tourné vers l’Ombudsman.
Les documents fournis ne permettaient pas à l’Ombudsman de savoir si les frais contestés avaient été introduits par la banque de manière à constituer une partie intégrante du contrat. Il s’est donc adressé à la banque pour lui demander notamment quand et comment les dispositions relatives aux frais avaient été communiquées au client, respectivement à ses parents.
La banque a répondu qu’aux termes de ses Conditions générales, elle se réservait le droit de modifier celles-ci à tout moment. Les frais facturés pour les retraits de comptes d’épargne Jeunesse étaient valables de manière inchangée depuis 2005, et non depuis le 1er janvier 2017. En outre, la banque a indiqué avoir envoyé, en août 2016, un courrier d’information dans lequel il était précisé que le nombre de retraits sans frais était limité. Or, le client avait malgré tout continué à effectuer des retraits payants. Qui plus est, un courrier intitulé «Recommandation: envisagez une alternative aux retraits réguliers de votre compte d’épargne» avait ensuite été envoyé en février 2017. Ce courrier expliquait qu’il était possible d’effectuer sans frais douze retraits par an, mais que chaque retrait d’espèces ou achat de marchandise supplémentaire serait facturé 5 CHF. Enfin, sur les 650 CHF de frais encourus en 2016 pour 130 retraits payants, la banque lui avait accordé un rabais de 600 CHF: elle estimait dès lors qu’un geste commercial supplémentaire n’entrait pas en ligne de compte.
Après examen des documents fournis, il semblait discutable à l’Ombudsman que les frais relatifs aux retraits effectués jusqu’au 20 mars 2017 environ aient fait l’objet d’un accord valable entre les parties. L’Ombudsman estime que toute introduction ou adaptation de frais doit être communiquée aux clients par la voie habituellement utilisée et en temps utile. Il n’incombe pas aux clients de devoir constamment se renseigner sur l’introduction de nouveaux frais ou sur d’éventuelles modifications en se rendant au guichet ou sur Internet. Or, dans le cas d’espèce, l’Ombudsman n’a pas pu établir qu’une telle communication sur les frais avait eu lieu. A ses yeux, le courrier d’août 2016 invoqué par la banque, lequel avait pour but de fournir des informations sur une nouvelle carte bancaire, ne constituait pas une base suffisante pour conclure à l’existence d’un accord sur les frais entre la banque et le client. De plus, l’indication selon laquelle le nombre de retraits sans frais sur les comptes d’épargne était limité, mentionnée à la fin d’un paragraphe informant de la possibilité d’effectuer des retraits d’espèces avec la carte, paraissait à tout le moins peu transparente. En effet, les conditions effectives (montant des frais et nombre de retraits sans frais) n’y figuraient pas. De l’avis de l’Ombudsman, le client ne devait pas s’attendre, sur la base de ce courrier, au régime de frais en question.
Dès lors, il semblait plausible que le client, se fondant sur l’information reçue en juillet 2014, ait pensé pouvoir effectuer des retraits sans frais aux guichets automatiques de la banque, et ce d’autant plus qu’il ne détenait qu’un seul compte, à savoir le compte d’épargne en question, auprès de la banque.
L’Ombudsman s’est également demandé si le client aurait dû remarquer, au moment où il avait reçu le décompte annuel pour 2016 (aucun envoi de décomptes mensuels n’était prévu pour le compte d’épargne), que les retraits d’espèces et les paiements étaient soumis à des frais. Or, le décompte n’indiquait pas que des frais avaient été encourus ou qu’une réduction avait été accordée. Par conséquent, l’Ombudsman jugeait tout à fait plausible qu’un client qui effectuait plusieurs retraits par semaine soit parti du principe que ceux-ci n’engendraient pas de frais, dans la mesure où aucun prélèvement de frais n’apparaissait dans le décompte pour la période de mai à décembre (et que, dans ces circonstances, il n’avait pas remarqué un prélèvement de 50 CHF à titre de frais pour les mois de mars et avril 2016). Il en aurait été autrement si la banque avait informé le client qu’elle avait renoncé à lui facturer les frais encourus à compter d’avril 2016, ce qu’elle n’avait cependant pas fait. De surcroît, si la renonciation tacite aux frais peut représenter un geste généreux aux yeux de la banque, ce mode de procéder a conforté le client dans son idée que les transactions n’engendraient pas de frais.
L’Ombudsman estimait en revanche que le client avait été clairement informé sur les frais par le biais du courrier qui lui avait été adressé en février 2017. La lettre indiquait effectivement que les dispositions entreraient en vigueur après une période donnée, laissant le temps au client d’en prendre connaissance et d’adapter, si nécessaire, son comportement. Ainsi, on pouvait considérer qu’il existait une base contractuelle valable pour les frais prélevés sur les retraits effectués à compter du 20 mars 2017 environ.
Somme toute, l’Ombudsman était d’avis qu’aucune information claire et transparente concernant les frais n’avait été communiquée avant l’envoi du courrier de février 2017. Il a donc proposé à la banque de rembourser les frais de 50 CHF prélevés pour les mois de février et de mars 2017. Cependant, la banque a rétorqué une nouvelle fois qu’elle s’était déjà montrée très généreuse et que le client avait continué à effectuer des retraits alors même qu’il avait été informé des frais applicables, raison pour laquelle elle se refusait à tout nouveau geste commercial.
Après de longues négociations, la banque a finalement accepté de rembourser les 50 CHF tout en informant l’Ombudsman qu’elle allait résilier la relation d’affaires avec le client après la clôture de la procédure de médiation. La banque estimait que le client s’était comporté de façon téméraire et que son lien de confiance avec lui avait été rompu.
L’Ombudsman a essayé, en vain, de dissuader la banque de résilier la relation d’affaires. Il était toutefois conscient que la décision de mettre fin à la relation d’affaires relevait de la politique commerciale de la banque, sur laquelle il ne pouvait exercer aucune influence. Pourtant, à son avis, le comportement du client n’était pas contraire au principe de la bonne foi. En effet, il lui semblait incontestable que le client avait soutenu de bonne foi que les frais n’avaient pas été convenus, et ce d’autant plus que l’Ombudsman lui-même n’était pas convaincu de l’existence d’un accord sur les frais entre les parties. Il est en outre évident que l’Ombudsman ne s’engagerait pas pour un client qui agirait contrairement au principe de la bonne foi. A l’inverse, l’Ombudsman estime que l’on peut attendre d’une banque qu’elle informe ses clients de manière transparente sur les frais perçus. Enfin, il ne comprenait pas pourquoi la banque n’avait jamais contacté le client, notamment pour l’informer de la réduction accordée sur les frais en 2016.
L’Ombudsman a également rappelé à la banque que la procédure de médiation était ouverte à tout client d’une banque. Ainsi, celui-ci ne doit pas être pénalisé parce qu’il a eu recours à cette possibilité et que l’Ombudsman est intervenu en sa faveur auprès de la banque. Une telle sanction du client après la clôture d’une procédure de médiation nuit à l’institution de l’Ombudsman ainsi qu’à la réputation des banques en Suisse. La banque n’a pas été sensible à cet important constat évoqué par l’Ombudsman et a maintenu sa décision de résilier la relation d’affaires.