Paiements par carte de crédit en faveur d’une plateforme de rencontres peu scrupuleuse
Si un client constate des défauts dans les biens ou services qu’il a payés avec sa carte de crédit, il doit en principe s’adresser directement au commerçant ayant accepté la carte de crédit comme moyen de paiement. A cette fin, il ne peut pas réclamer de remboursement à l’émettrice de la carte de crédit, dans la mesure où celle-ci n’est qu’un simple intermédiaire de paiement et ne participe pas à l’opération de base entre le client et le commerçant. C’est du moins ce qui ressort de toutes les conditions usuelles applicables aux cartes de crédit connues de l’Ombudsman.
Nonobstant ce qui précède, tous les grands réseaux de cartes de crédit prévoient des procédures de rétrofacturation («chargeback»). Dans ce cadre, les paiements par carte de crédit pour lesquels il existe des motifs de remboursement clairement définis peuvent être réclamés dans certains délais via le réseau de cartes de crédit. Ces procédures de rétrofacturation ont pour but de permettre, dans les cas univoques, un remboursement simple et rapide des transactions contestées. Si un client fait valoir qu’il n’a pas déclenché une transaction spécifique, il doit la contester rapidement afin que les délais de rétrofacturation puissent être respectés par l’émettrice de la carte de crédit. Si un bien ou un service n’a pas été livré ou n’a pas été fourni comme promis, des délais de réclamation parfois plus longs s’appliquent. Dans un tel cas, le client doit toutefois d’abord tenter de clarifier la situation directement avec le commerçant.
Les conditions de cartes de crédit connues de l’Ombudsman ne confèrent au client aucun droit contractuel à ce que l’émettrice de la carte de crédit procède à une rétrofacturation en cas de paiement contesté. L’Ombudsman estime néanmoins que toute émettrice de cartes de crédit est tenue d’engager une telle procédure en vertu de son devoir de fidélité envers le client, pour autant que les conditions prévues pour la rétrofacturation soient remplies. En l’espèce, la banque a expliqué au client qu’il avait contesté trop tard sa facture de carte de crédit. Tel aurait été le cas si le client avait affirmé ne pas avoir déclenché la transaction. Or, ce point n’était pas contesté. Ce que le client déplorait en l’espèce, c’était de ne pas avoir reçu la prestation, en l’occurrence la possibilité de rencontrer une femme, que promettait le commerçant, à savoir la plateforme de rencontres. Dans les règles de la rétrofacturation, le motif «service not as described» s’applique dans une telle situation. Comme des délais plus longs sont prévus dans ce cas, l’Ombudsman a prié la banque de réexaminer le dossier.
Dans sa prise de position à l’attention de l’Ombudsman, la banque a expliqué que les contestations du client étaient des conjectures et des allégations infondées qui ne pouvaient pas être clarifiées dans le cadre d’une procédure de rétrofacturation. Elle a en outre soutenu que la réclamation du client ne pouvait être attribuée à aucun motif de rétrofacturation et a par conséquent refusé d’ouvrir une procédure de rétrofacturation à la demande de l’Ombudsman. Compte tenu de l’attitude inflexible de la banque sur cette question, l’Ombudsman s’est vu contraint de mettre un terme à ses efforts de médiation.
Dans son courrier final au client, l’Ombudsman lui a expliqué que les transactions qu’il avait effectuées pouvaient en principe lui être imputées conformément aux conditions applicables à sa carte de crédit, et qu’il devait dès lors payer la facture correspondante. Il regrettait toutefois que la banque n’ait pas consenti à ouvrir une procédure de rétrofacturation afin d’essayer de récupérer le montant versé au commerçant. A ses yeux, la contestation du client remplissait au moins potentiellement le motif de rétrofacturation «service not as described», et le délai pour faire valoir ce motif n’était pas encore échu.
L’Ombudsman partageait toutefois l’avis de la banque selon lequel une procédure de rétrofacturation n’aurait eu presque aucune chance d’aboutir en l’espèce. En effet, il ne ressort pas du dossier que le client avait dans un premier temps adressé ses réclamations directement à la plateforme de rencontres, ce qui aurait été une condition préalable à l’ouverture de la procédure de rétrofacturation. En outre, le service fourni par la plateforme de rencontres ne pouvait que faire l’objet d’une vérification de plausibilité dans le cadre de cette procédure, et il aurait été tout à fait possible pour le commerçant de démontrer que le client avait pu entrer en contact avec d’éventuelles partenaires de la manière convenue. Or, une telle preuve aurait conduit au rejet de la demande de rétrofacturation, car il n’aurait sans doute pas été possible de déterminer si des femmes se cachaient bel et bien derrière les profils présentés.