Exécution de deux ordres de paiement dans la même monnaie, mais à des taux de change complètement différents?
Dans sa prise de position, la banque contesta tout d’abord que les informations fournies dans sa documentation sur le système électronique étaient erronées. Selon elle, il était exact que le client pouvait consulter les données de ses comptes ou passer des ordres 24 heures sur 24. Mais pour autant, elle ne garantit pas que les ordres soient exécutés sitôt passés. C’est d’ailleurs impossible, et chacun le comprendra. Si un client souhaite par exemple acheter des titres négociés sur une Bourse suisse, cela n’est possible qu’aux horaires de négoce de cette Bourse. Il en va de même des ordres de virement sur un compte ouvert auprès d’une autre banque. Là encore, la banque est dépendante de systèmes de trafic des paiements externes ainsi que d’autres banques, qui ne sont disponibles qu’aux horaires de travail habituels. Un examen de la documentation confirma les allégations de la banque, même si l’Ombudsman ne put s’empêcher de penser que cette documentation faisait miroiter une proximité plus grande avec le marché grâce au système de banque électronique. Mais la banque ne promettait nulle part que les ordres seraient exécutés à tout moment, y compris la nuit.
La banque confirma le déroulement temporel des transactions. Elle expliqua que la différence de traitement résultait du système. Selon ses dires, elle s’efforce d’exécuter chaque paiement de telle sorte que crédit et débit puissent intervenir si possible le jour même. Mais pour les paiements en monnaies étrangères sur des comptes ouverts auprès d’autres banques, ce sont les systèmes de trafic des paiements disponibles qui prescrivent l’heure limite de saisie des paiements permettant un traitement dans la journée. La banque attribue donc immédiatement un degré de priorité à chaque ordre entrant et exécute d’abord les ordres urgents, puis les ordres moins prioritaires. C’est pourquoi le «paiement externe» avait été traité sans attendre, et le «paiement interne» reporté de telle sorte qu’il puisse néanmoins encore être traité le jour même. Selon la banque, ce procédé est d’ailleurs conforme aux dispositions sur le trafic des paiements convenues avec le client, dans lesquelles la banque s’engageait à ce que tout ordre soit exécuté si possible le jour où il avait été passé. En outre, dans le masque de saisie du système de banque électronique, le client ne pouvait sélectionner que la date d’exécution (mais pas une heure ou une minute précise de la journée). Sans compter que la banque ne peut pas matériellement s’engager plus avant, dans la mesure où elle doit procéder à diverses vérifications avant toute exécution d’un ordre. Il lui incombe par exemple de contrôler si les informations figurant sur l’ordre sont complètes, si le client dispose d’un solde suffisant en compte et si l’ordre n’enfreint aucune disposition légale ou réglementaire. Le paiement ne peut être validé qu’à l’issue de ce processus.
Toujours selon la banque, dès lors qu’un ordre passé par un client comporte l’achat d’une monnaie étrangère, la banque n’achète cette monnaie qu’une fois le processus de vérification achevé, à la validation du paiement. C’est pourquoi, en l’espèce, les euros avaient été achetés pour l’«ordre externe» à 8h30 et pour l’«ordre interne» à 14h30 seulement, aux cours du marché en vigueur au moment de l’achat. Pour la banque, il s’agit d’un jeu à somme nulle, puisque les fluctuations de cours n’entraînent pour elle ni avantage, ni désavantage. Le risque de change est à la charge du client pour ses avoirs déposés auprès de la banque. Ainsi, dans le cas inverse, c’est-à-dire si le taux de change avait baissé en cours de journée, c’est, en l’espèce, le client qui en aurait profité (et non la banque). Si un client entend se couvrir contre le risque de change dans une monnaie donnée, il lui appartient de conclure une opération de couverture spécifique ou de disposer d’avoirs en compte dans la monnaie concernée.
En conclusion, la banque regrettait certes que le client se soit vu appliquer un cours moins favorable pour le «paiement interne». Mais elle considérait que cela était indépendant de sa volonté et résultait exclusivement de la décision soudaine de la Banque nationale suisse.
On comprend bien qu’une banque ne puisse pas exécuter un ordre dès qu’il a été passé, puisqu’elle doit à l’évidence procéder à certaines vérifications. Il est clair également qu’elle ne peut pas exécuter en même temps tous les ordres passés dans la nuit via le système de banque électronique. La seule solution pour elle est de les traiter un par un. Et comme il y a des heures limites à respecter pour certains ordres, il n’est pas contestable selon l’Ombudsman que la banque procède à un classement objectif par ordre de priorité et organise ses processus en conséquence. C’est légitime dès lors que cela permet aux bénéficiaires des paiements de disposer de leur argent le jour même ou à une date donnée.
Mais il est également essentiel que la banque procède toujours selon le même schéma et traite tous les ordres de paiement entrants selon les mêmes critères. S’agissant d’une éventuelle opération sur devises liée à un ordre, cela signifie qu’elle sera toujours effectuée au même stade du processus de traitement, au cours du marché en vigueur à ce moment-là. La banque ayant confirmé que l’opération sur devises est toujours exécutée sur le marché lorsque toutes les vérifications ont été menées à bien et que l’ordre est validé, l’Ombudsman considéra que ce critère était bel et bien rempli en l’espèce et qu’aucun comportement fautif ne pouvait être reproché à la banque.