Dommages-intérêts consécutifs à la réalisation forcée de titres en vue du remboursement d’un crédit lombard
L’avocat du client a soumis à l’Ombudsman plusieurs cas similaires dans lesquels les clients étaient conseillés par le même gérant de fortune externe. La banque s’est également fait représenter par un avocat externe. Les positions des deux parties semblaient figées et irréconciliables.
Dans la plupart des cas susmentionnés, la question était de savoir si un «appel de marge» avait été effectué sous une forme juridiquement valable avant la réalisation forcée, c’est-à-dire si les clients avaient été informés de l’insuffisance de couverture de leurs positions et s’étaient vus accorder un délai adéquat pour y remédier en fournissant une couverture supplémentaire ou en vendant des actifs en vue de réduire le crédit.
Dans les cas où la banque reconnaissait s’être comportée de manière fautive, il s’agissait de déterminer si le bon moment avait été choisi pour le calcul du dommage en lien avec la réalisation des actifs soumis à des fluctuations de cours. C’est cette question qui était déterminante en l’espèce, la banque ayant dans un premier temps catégoriquement nié tout comportement fautif. Or, lorsqu’elle l’a finalement concédé après plusieurs mois de clarifications, les cours des titres sur les marchés concernés avaient à nouveau fortement augmenté.
De l’avis de la banque, les clients se trouvaient dans une situation délicate par leur propre faute du fait de la stratégie de placement risquée du gérant de fortune. Durant la période concernée, elle était en contact permanent avec celui-ci et l’a informé de toutes les étapes importantes. Un appel de marge formel n’était donc pas nécessaire. La banque a en outre fait valoir son droit de procéder sans délai à une réalisation forcée, même sans appel de marge préalable, compte tenu de l’urgence qui résultait des turbulences sur les marchés.
S’agissant du calcul du dommage, la banque s’est référée à un arrêt du Tribunal fédéral qui, selon elle, indiquait clairement que le moment déterminant à cet égard, dans le cas d’une relation «execution only», est celui où le client prend connaissance de la vente jugée illicite. En effet, dès ce moment, le client peut prendre des mesures pour réduire le dommage, par exemple en rachetant les titres qui, selon lui, ont été vendus à tort. D’après la banque, un client ne doit pas attendre avant d’invoquer le dommage. Toujours selon elle, la jurisprudence du Tribunal fédéral visait à empêcher qu’un client attende une évolution des cours qui lui soit favorable avant de se manifester.
En l’espèce, le client a fait valoir le dommage peu après la vente forcée, selon lui illicite, des titres qu’il détenait auprès de la banque. Celle-ci a rejeté sa prétention, puis a examiné de manière plus approfondie, pendant plusieurs mois, les différents cas impliquant les clients du gérant de fortune. Elle a finalement informé le client que la réalisation forcée de trois des quatre positions n’avait en effet pas été opportune, l’insuffisance de couverture contestée ayant déjà été comblée par la réalisation de l’une des quatre positions seulement. La banque a alors calculé les dommages-intérêts sur la base des cours en vigueur le jour où le dommage a été invoqué pour la première fois, sans tenir compte de l’évolution des cours observée entre-temps.
L’Ombudsman a tenté de convaincre la banque de faire preuve d’une plus grande générosité envers le client. D’une part, il était d’avis que la réalisation forcée aurait dû être précédée d’un appel de marge formel en vertu des contrats applicables et des dispositions de la Loi fédérale sur les titres intermédiés. En effet, les contrats de la banque ne prévoyaient une possible renonciation à un appel de marge que si elle n’arrivait pas à joindre le client au moment déterminant, ce qui n’avait toutefois manifestement pas été le cas en l’espèce.
D’autre part, l’Ombudsman estimait que l’arrêt cité par la banque contenait des éléments qui ne correspondaient pas au cas d’espèce et que, selon les explications du Tribunal fédéral lui-même, le moment déterminant pour le calcul du dommage devait être défini eu égard à toutes les circonstances essentielles du cas particulier. En l’espèce, d’après lui, il aurait fallu davantage s’appuyer sur le moment à partir duquel l’on aurait pu exiger du client, en toute bonne foi, qu’il prenne des mesures de réduction du dommage. Or, de l’avis de l’Ombudsman, il ne pouvait pas être raisonnablement exigé du client la prise de telles mesures dès la première invocation du dommage, la banque ayant alors catégoriquement nié tout comportement fautif.
Au vu de ce qui précède, l’Ombudsman aurait apprécié que les parties, qui ont toutes deux pu présenter des arguments valables pour soutenir leur point de vue, se rapprochent et acceptent de régler leur différend à l’amiable. Malheureusement, une telle résolution n’a pas été possible face au rejet de tout compromis par la banque, si bien que l’Ombudsman n’a eu d’autre choix que de clore le dossier sans suite.