Devoir d’information de la banque
Les clients, représentés en l’espèce par un avocat, conservaient depuis de nombreuses années, à leur domicile, des certificats de parts d’un fonds immobilier suisse connu libellés au porteur. Ils se présentaient chaque année au guichet de la même banque et remettaient les coupons de ces parts à l’encaissement sur un compte ouvert auprès de ladite banque. Au début de l’année 2017, alors qu’ils souhaitaient effectuer à nouveau cette démarche, il s’est avéré qu’un encaissement des coupons n’était plus possible. En effet, en raison de la modification de l’Ordonnance sur les placements collectifs, les parts auraient dû être converties en titres libellés au nom d’une personne déterminée le 31 décembre 2016 au plus tard. Etant donné que le délai était échu, les titres correspondants ont alors été remboursés à leur valeur intrinsèque, contre le gré des clients. Or, celle-ci étant considérablement inférieure à la valeur boursière, les clients ont subi un dommage de plus de 100 000 CHF, qu’ils ont fait valoir à l’encontre de la banque. La banque a néanmoins décliné toute obligation de réparer le dommage, car les certificats de parts étaient conservés au domicile des clients et non auprès d’elle, dans un dépôt client. Par conséquent, selon la banque, elle n’assumait qu’une fonction d’encaissement et non le rôle de banque dépositaire du client. De plus, le mandat d’encaissement se limite à l’encaissement diligent des coupons et n’implique aucun autre devoir d’information s’agissant des papiers-valeurs auxquels sont rattachés les coupons.
L’avocat des clients, qui ne partageait pas cet avis, a alors demandé à l’Ombudsman d’entamer une procédure de médiation. D’après lui, en l’espèce, la banque avait violé son devoir de conseil et d’information, dans la mesure où l’encaissement régulier des coupons avait fait naître un rapport de confiance particulier entre le client et la banque. L’avocat des clients fondait son point de vue sur la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant l’obligation de diligence et de loyauté qui incombe aux banques en vertu des contrats relatifs au traitement d’opérations boursières.
L’Ombudsman n’a pu se ranger à cet avis. En effet, conformément à la jurisprudence invoquée, la banque n’est en principe soumise à aucun devoir de conseil lorsque, dans le cadre d’instructions ciblées concernant des actes de disposition relatifs au compte, un client donne de manière inconditionnelle un ordre à la banque et, ce faisant, indique qu’il n’a ni le souhait, ni le besoin de recevoir des conseils ou des informations de la part de la banque. Dans ce genre de cas, un tel devoir ne naît qu’à titre exceptionnel: soit si la banque, en prêtant toute l’attention commandée par les circonstances, est forcée de reconnaître que le client n’a pas identifié un danger spécifique lié à un placement; soit si, dans le cadre d’une relation d’affaires s’inscrivant dans la durée, un rapport de confiance particulier s’est développé, en vertu duquel le client peut s’attendre, en toute bonne foi, à recevoir également des conseils et des mises en garde spontanés.
De surcroît, l’Ombudsman a exprimé des doutes quant à l’applicabilité, au présent cas, de la jurisprudence citée par l’avocat des clients. D’après lui, l’encaissement des coupons décrit ne constituait pas une activité de placement, mais représentait effectivement un mandat d’encaissement, essentiellement exécuté au guichet de la banque et comportant des obligations moins étendues. Qui plus est, la banque a souligné à juste titre que les certificats de parts n’étaient pas conservés dans un dépôt client auprès de son établissement. Si tel avait été le cas, moyennant paiement des droits de garde habituels, elle aurait assumé sa fonction de banque dépositaire en s’assurant que les clients recevaient toutes les communications importantes concernant les papiers-valeurs déposés et pouvaient réagir en temps utile aux changements tels que celui dont il est question en l’espèce. Même si l’Ombudsman comprenait bien la frustration des clients face à cet incident, il a estimé que ceux-ci devaient supporter eux-mêmes le risque inhérent au fait qu’ils conservaient leurs certificats de parts à domicile. Selon lui, la banque ne s’est pas comportée de manière fautive, et, pour toutes les raisons exposées ci-dessus, il était impossible d’entamer une procédure de médiation.