Des situations compliquées
Ce cas montre de manière exemplaire que même des clauses contractuelles formulées clairement – quoique de manière compliquée – peuvent poser problème au novice lorsqu’il s’agit de les appliquer. Nous constatons ainsi régulièrement que le client, en survolant des clauses comme celle précitée, peut facilement être amené à penser que deux mois avant l’échéance de l’hypothèque à taux fixe, il est encore libre de son choix à tous égards. De fait, un novice a du mal à comprendre qu’il peut opter pour une nouvelle hypothèque à taux fixe deux mois avant l’échéance de la première, mais que la résiliation doit intervenir avec un préavis de six mois s’il souhaite rembourser la banque à la date convenue. En pratique, il convient en outre de noter ce qui suit:
S’agissant d’une hypothèque, le montant en jeu est généralement de taille pour le client. S’il ne veut pas s’exposer au risque de se retrouver sans contrat à la date d’échéance de l’hypothèque à taux fixe, ou de devoir signer un contrat à des conditions défavorables, il ne peut résilier son hypothèque qu’une fois en possession d’une offre ferme de la part de la nouvelle banque. Or l’Ombudsman ne connaît aucune banque qui lui ferait une offre ferme pour une nouvelle hypothèque à taux fixe plus de six mois à l’avance, et sans frais de couverture.
Par ailleurs, l’Ombudsman est conscient que les deux parties ont ici des intérêts légitimes à défendre. Pour la banque, il est important de savoir à temps si, à l’échéance de l’hypothèque à taux fixe, le capital lui sera remboursé ou si elle devra se refinancer. Plus tôt elle est au courant, plus il lui est facile de s’organiser. Quant au client, il doit attendre les informations dont dépend sa décision. En pratique, il n’en dispose que relativement peu de temps avant l’échéance de l’hypothèque à taux fixe. La banque impliquée dans notre cas d’espèce a ainsi concédé qu’elle n’aurait pas été disposée à donner un nouvel accord ferme au client six mois et demi avant l’échéance de l’hypothèque à taux fixe, c’est-à-dire juste avant le préavis à respecter en vertu du contrat.
L’Ombudsman a donc argumenté comme suit: la disposition contractuelle a été acceptée par le client et, formellement, elle est sans ambiguïté. Pour les raisons évoquées, elle aboutit toutefois à un résultat inéquitable. Par ailleurs, de l’avis de l’Ombudsman, une banque n’a pas impérativement besoin d’un délai de six mois pour planifier son refinancement. Il a donc proposé de ramener ce délai à trois mois, ce que le client et la banque ont tous deux accepté.
Dans un autre cas, la banque avait octroyé au client des hypothèques à taux fixe dont les échéances s’échelonnaient dans le temps. La tranche la plus courte, soit 460 000 CHF, était échue au 30 septembre 2005, et la plus longue cinq ans plus tard, au 30 septembre 2010. Lorsque le client obtint une meilleure offre d’une autre banque, il décida de transférer à cette dernière la tranche échue au 30 septembre 2005. Son intention était de laisser courir les autres hypothèques à taux fixe et de les transférer progressivement à leur échéance. La nouvelle banque confirma à l’ancienne qu’elle lui virerait au 30 septembre 2005 le montant de 460 000 CHF, et ce contre remise d’une cédule hypothécaire à hauteur d’au moins 460 000 CHF. Mais comme les droits de gage immobiliers détenus à titre de sûreté par l’ancienne banque n’étaient pas scindés en fonction des différentes tranches (toutes les hypothèques étaient garanties par une seule et unique cédule hypothécaire à hauteur de leur montant total, soit 2,2 millions de CHF), l’ancienne banque n’était pas en mesure de satisfaire la condition de la nouvelle. Elle l’informa qu’elle ne pourrait émettre la cédule hypothécaire que lorsque toutes les hypothèques en cours chez elle seraient remboursées.
Dans une première phase, les banques évoquèrent entre elles la possibilité que l’ancienne banque émette la cédule hypothécaire à hauteur de 2,2 millions de CHF si la nouvelle banque lui garantissait de lui verser le montant des tranches échues ultérieurement à leurs dates respectives d’échéance. L’ancienne banque refusa car, dans cette hypothèse, elle n’aurait plus disposé d’aucune sûreté immobilière pendant cinq ans. A titre d’alternative, on envisagea une reprise immédiate de tous les crédits. Mais cette solution ne put être retenue car, pour la résiliation anticipée des contrats, le client aurait dû verser une indemnité d’un montant considérable. Il ne resta donc qu’une seule possibilité: remplacer la cédule hypothécaire existante de 2,2 millions de CHF par plusieurs petites, dont les montants correspondraient aux différentes tranches hypothécaires. Mais comme cette solution entraîne elle aussi des coûts élevés, on ne peut que conseiller, à titre préventif, de s’assurer une certaine souplesse lors de la constitution des titres de gage immobilier et d’établir le nombre de cédules hypothécaires requis à cet effet. Nantir ou donner en garantie à une banque plusieurs cédules hypothécaires pour un seul crédit ne pose absolument aucun problème; en revanche, il n’est guère possible de garantir par une seule cédule hypothécaire plusieurs crédits auprès de différentes banques.