Carte de crédit: obligations du client
Sur le principe au moins, il est incontesté que tout client doit conserver sa carte soigneusement et la protéger contre l’accès de tiers. Une carte de crédit (mais aussi toute carte bancaire) est assimilée à des espèces. On peut donc attendre de son titulaire qu’il en prenne soin comme s’il s’agissait d’espèces. Il doit conserver la carte en lieu sûr et s’assurer régulièrement qu’elle n’a pas disparu. La question de la fréquence de ces vérifications fait régulièrement l’objet de discussions acharnées. Selon l’Ombudsman, il n’existe pas de règle générale. Si par exemple le client conserve la carte dans son coffre-fort, il est évident que toute vérification est quasiment inutile dès lors que personne d’autre n’a accès au coffre et que celui-ci ne porte pas trace de manipulation. Mais si le client est en voyage et séjourne dans des régions où les vols sont fréquents, on peut considérer que ses obligations de diligence lui imposent de vérifier quotidiennement la présence de sa carte.
Dans ce cas, la cliente prétendit avoir conservé sa carte avec son passeport et son billet d’avion, mais séparée de son argent et d’autres effets qu’elle utilisait fréquemment. Elle avait vérifié régulièrement, dit-elle, que la sacoche contenant la carte était toujours en sa possession, mais elle ne l’avait pas ouverte. Elle n’avait donc constaté la disparition de la carte que quand elle avait voulu l’utiliser.
La banque fit preuve de sévérité. Sa cliente parcourant l’Asie sac au dos, elle considéra que la vérification rudimentaire consistant à s’assurer de la présence de la sacoche n’était pas suffisante. L’Ombudsman se rallia à cette opinion. Incontestablement, la cliente ne pouvait ignorer qu’elle risquait d’être victime d’un vol – ni que le voleur était susceptible d’emporter non la sacoche elle-même, mais uniquement ce qui l’intéressait. Et l’on ne peut savoir si le contenu d’une sacoche a été dérobé qu’en ouvrant celle-ci.
Lorsque sa carte disparaît, le client doit immédiatement faire une déclaration de perte. Incontestablement, il ne remplit pas cette obligation lorsque, s’étant aperçu de la perte, il prend tout son temps pour la déclarer. Mais là encore, il faut tenir compte des circonstances. Si par exemple le client se trouve en Suisse, l’interprétation qui s’impose est que l’appel téléphonique doit intervenir immédiatement, c’est-à-dire dans l’heure, dès lors qu’il dispose d’un téléphone et du numéro à contacter. S’il se trouve à l’étranger, le délai peut être plus long – selon qu’un téléphone est disponible ou pas.
Dans ce cas, il n’était pas contesté que la cliente avait déclaré la perte dès qu’elle s’en était rendu compte. En revanche – et c’est un éternel point de litige – la banque considéra que la déclaration avait été tardive, car la cliente aurait dû constater plus tôt l’absence de sa carte.
Le client doit également porter plainte pour vol auprès de la police locale. C’est important, dans la mesure où les autorités de police locales sont les mieux à même de clarifier les circonstances du vol de carte et, le cas échéant, d’identifier les auteurs d’une fraude. Mais parallèlement, il appartient au client de s’abstenir de toute déclaration de perte inconsidérée, voire mensongère, car une fausse déclaration intentionnelle n’est pas sans entraîner des conséquences juridiques problématiques.
Dans ce cas, il n’y avait pas eu dépôt de plainte. La cliente, approuvée en cela par l’Ombudsman, indiqua que cela n’aurait rien apporté. D’abord, on ignorait quand et où la carte avait disparu. Et comme la cliente avait séjourné dans plusieurs endroits pendant les dix jours litigieux, on ne savait pas exactement quel poste de police aurait été compétent. Lorsque la cliente avait constaté la perte de sa carte, elle avait déjà changé de lieu de séjour. Or l’Ombudsman n’est pas le seul à considérer qu’on ne peut pas attendre du client qu’il retourne à l’endroit présumé de la perte dans le seul but de porter plainte. Dans le cas d’espèce, s’y ajoutait un autre élément: la cliente avait chargé un ami resté en Suisse de déclarer la perte. Après s’être entretenu avec la société émettrice, celui-ci lui indiqua que le dernier retrait était intervenu une dizaine de jours auparavant et se situait dans les limites habituelles. Comme la cliente avait effectivement utilisé sa carte à ce moment-là, et qu’aucun autre de ses objets de valeur n’avait disparu, elle présuma qu’elle avait perdu sa carte. En d’autres termes, elle ne se douta même pas qu’il y avait pu avoir vol ou utilisation abusive.
L’Ombudsman jugea cette argumentation convaincante et le comportement de la cliente raisonnable. Par la suite, la banque reconnut elle aussi qu’en s’abstenant de porter plainte, la cliente n’avait pas violé les obligations de diligence lui incombant.
Le client doit aussi informer par écrit la société émettrice de la perte de sa carte. Il peut s’acquitter de cette obligation au bout d’un certain temps, par exemple après son retour de vacances. Ce qui est important, c’est la déclaration téléphonique, car c’est elle qui déclenche le blocage de la carte par la société émettrice. Il est incontesté qu’à partir de cette date, le client ne peut plus être tenu responsable d’une utilisation frauduleuse de sa carte.
A souligner enfin qu’il appartient au client de conserver les reçus qui lui sont remis lors de chaque opération, de contrôler immédiatement ses relevés mensuels au vu desdits reçus et de faire sans délai une réclamation s’il constate une anomalie. En effet, sauf réclamation dans le délai imparti (dans la plupart des contrats dont l’Ombudsman a connaissance, ce délai est de 30 jours), les écritures figurant sur le relevé sont réputées acceptées. Si le client prétend par la suite que telle ou telle écriture ne correspond pas à une opération autorisée, ceci demeure, en dehors des situations exceptionnelles, sans effet.
A cet égard, il importe de rappeler que le client ne doit pas attendre le dernier jour pour contrôler ses relevés. Il doit le faire immédiatement, c’est-à-dire dans un délai raisonnable compte tenu des circonstances, et réclamer aussitôt s’il constate une anomalie. Le délai de trente jours marque uniquement une limite au-delà de laquelle, en règle générale, aucune réclamation ne peut plus être prise en compte. En outre, le client ne peut pas justifier une réclamation tardive par le fait qu’il n’a pas pu contrôler son relevé en temps opportun, parce qu’il était en vacances par exemple, ou pour toute autre raison. Il lui appartient donc de s’assurer que même en son absence, il puisse prendre connaissance des opérations intervenues, de façon à exclure le risque de se voir imputer un débit injustifié. Diverses sociétés émettrices proposent d’ailleurs des solutions électroniques qui permettent aux titulaires de cartes d’accéder aux informations requises.
Dans ce cas, il n’était pas contesté que la cliente avait fait une réclamation dès réception du relevé faisant apparaître deux opérations qui n’étaient pas de son fait. A ce moment-là seulement, elle se rendit compte qu’elle n’avait pas perdu la carte mais qu’on la lui avait vraisemblablement volée.
En signant les Conditions générales, le client en accepte la teneur. En l’espèce, celles-ci stipulaient qu’en cas d’utilisation frauduleuse de sa carte de crédit, le client serait tenu responsable s’il n’était pas en mesure de prouver qu’il avait respecté toutes les obligations de diligence précitées lui incombant. On ne pouvait «que» reprocher à la cliente d’avoir remarqué trop tard la disparition de sa carte, et ainsi de l’avoir déclarée tardivement. D’un point de vue purement juridique, ceci fondait la banque à refuser de prendre en charge tout ou partie du dommage. L’Ombudsman trouva cette conclusion excessive.
En effet, la cliente avait utilisé sa carte dix jours avant de constater sa perte. Les deux opérations contestées étaient intervenues le même jour et le lendemain. Même en admettant que la cliente aurait dû vérifier quotidiennement la présence de sa carte, et même si elle l’avait fait, ceci n’aurait pas empêché la fraude; en effet, le blocage de la carte consécutif à une déclaration de perte immédiate n’aurait de toute façon pris effet qu’après que les opérations litigieuses aient été effectuées.
La banque campa néanmoins sur ses positions et refusa de transiger.