Assurance-vie liée à des fonds: effets d’une performance négative sur la prime de risque
Au bout de dix ans, le client se vit verser quelque 74 000 CHF, soit 72 000 CHF de moins que le montant prévu et quand même 26 000 CHF, soit 26 %, de moins que son investissement initial. Il resta perplexe, car la valeur de la part de fonds n’avait baissé que de 3,9 % par rapport au début du contrat.
Les vérifications révélèrent que cette situation était due au premier chef aux frais imputés pendant la durée de l’assurance-vie. Selon le client, on s’était contenté de lui expliquer qu’il y aurait des primes de risque et des frais de gestion, mais qu’ils seraient financés sur les fonds et étaient déjà pris en compte dans les prévisions. La banque contesta cette version des faits et renvoya aux Conditions générales, où les frais étaient selon elle précisés. Mais s’agissant des frais de gestion, les Conditions générales n’indiquent que des fourchettes. Pour les coûts réels, il est renvoyé au contrat d’assurance. Quant aux coûts du risque, il est simplement mentionné que de tels coûts sont facturés.
Un bref rappel pour mieux comprendre: les assurances-vie liées à des fonds reposent sur une partie épargne et une partie assurance. Au début du contrat, on investit la prime unique – ici 100 000 CHF moins les frais – dans des parts de fonds. Pendant la durée du contrat, le client bénéficie d’éventuelles hausses du cours des parts, tout comme il supporte le risque d’une éventuelle baisse de valeur. En d’autres termes, s’agissant de la partie épargne, tout se passe comme s’il achetait les parts de fonds par le biais de sa banque et les conservait en dépôt.
Cette solution d’épargne est couplée à une assurance-vie: la compagnie d’assurance garantit au bénéficiaire qu’elle versera un montant fixé d’avance – en l’espèce, 139 000 CHF – si le client vient à décéder pendant la durée du contrat (dix ans). Cette couverture d’assurance donne lieu au paiement de primes. Contrairement au cas d’une assurance-vie normale, dans la variante dont il est ici question, ces primes ne sont pas constantes d’année en année. Au contraire, elles varient, parce que le risque de la compagnie d’assurance évolue lui aussi au fil du temps. Il évolue parce qu’en cas de décès du client, «seule» doit être couverte la différence entre le capital-décès garanti et la valeur des parts de fonds. Si cette dernière progresse au rythme prévu de 3,88 % ou plus par an, le risque de la compagnie d’assurance se réduit. Au moment où la valeur des parts de fonds atteint le montant du capital-décès, soit 139 000 CHF, le risque est nul. Mais si la valeur des parts de fonds baisse, le risque de la compagnie d’assurance augmente, et la prime augmente en conséquence.
La prime de risque et les frais sont payés selon le schéma suivant: la compagnie d’assurance / la banque les calcule en francs. Pour couvrir ce montant, elle vend le nombre requis de parts de fonds. Il reste donc de moins en moins de parts de fonds au fil des années. Tant que l’accroissement de valeur annuel des parts de fonds est supérieur au montant de la prime de risque et des frais, c’est supportable pour le client. Mais lorsque l’accroissement de valeur ne parvient plus à couvrir ce montant, voire est négatif, le client en subit doublement les conséquences négatives: d’une part, le capital de couverture se réduit, ce qui fait grimper la prime de risque; et d’autre part, il faut vendre proportionnellement plus de parts de fonds pour couvrir le montant de la prime de risque et des frais, car chaque part a moins de valeur. A l’issue du processus, il reste au client moins de parts, et de moindre valeur. Et comme les parts dont dispose le client se réduisent en nombre, elles doivent augmenter de manière plus que proportionnelle en valeur pour que l’on puisse revenir ne serait-ce qu’à la valeur initiale.
En l’espèce, la prime de risque et les frais représentaient la première année un montant d’environ 900 CHF. Mais au lieu de baisser au fil au temps, ce montant augmenta pour atteindre plus de 2 000 CHF par an. Afin de le couvrir, il fallut vendre 6,1 parts la première année, mais 14,4 la dernière. Sur l’ensemble de la durée, plus de 110 parts durent être vendues. En d’autres termes, les parts restantes – comparées à la valeur lors de l’investissement – auraient dû gagner environ 22 % pour que l’on aboutisse à l’échéance du contrat à un résultat ne serait-ce qu’équilibré (c’est-à-dire permettant de rembourser le capital investi). Pour atteindre l’objectif prévu de 146 000 CHF, l’accroissement de la valeur de chacune des parts restantes aurait dû être de 85 %.
L’Ombudsman se concentra sur deux aspects: d’une part, il demanda à la banque si le client avait été conseillé de manière exacte et exhaustive. D’autre part, compte tenu du mode de calcul de la prime de risque et des frais, qui est complexe et dépend de plusieurs facteurs, il posa la question de savoir s’il y avait vraiment eu conclusion d’un contrat puisque, pour cela, il faut que les parties s’entendent sur les éléments essentiels, notamment les frais. S’agissant de ce deuxième point, la banque répondit que les Conditions générales mentionnaient l’existence de frais imputés périodiquement et financés sur les fonds. Si le client avait jugé fondamental d’en connaître le mode de calcul concret, ou s’il avait eu besoin de précisions, il aurait pu interroger la banque. Bien que l’Ombudsman soit lui aussi d’avis que le client doit poser des questions lorsque quelque chose lui échappe, en l’espèce, il ne fut pas convaincu par l’argument de la banque: cette dernière fut en effet incapable de citer la moindre raison pour laquelle le client aurait dû s’interroger sur la méthode de calcul. Au vu des expériences passées et usuelles en matière d’assurance-vie et de frais, on peut tout aussi bien argumenter que le client pouvait s’attendre à des frais constants d’année en année. Il a d’ailleurs confirmé qu’il aurait été d’accord avec cette formule.
La banque fit valoir également que le client avait reçu chaque année un décompte où figuraient tant le montant total des frais que le nombre de parts, le cours par part et la valeur totale des fonds. Bien que disposant de ces éléments, il n’avait jamais fait de réclamation. Par là même, il avait accepté la méthode de calcul ainsi que les différentes imputations. Mais là encore, l’Ombudsman ne se rallia pas sans réserve à cette argumentation, dans la mesure où le silence ne vaut qu’exceptionnellement consentement. En outre, aucune donnée comparative ne figurait sur ces décomptes, de sorte que les variations annuelles ne sautaient pas forcément aux yeux.
En ce qui concerne la prestation de conseils, les déclarations de la banque et celles du client étaient diamétralement opposées. Le client prétendait que la question des primes de risque et des frais courants n’avait été effleurée que marginalement. Selon lui, le conseiller lui avait affirmé que seul le rendement net était important dans son cas. Et si l’on prenait les chiffres du passé comme référence, on aboutissait à l’issue du contrat à un accroissement non négligeable de la valeur. Toujours selon le client, on ne lui avait donné aucun exemple mettant en évidence que la valeur du placement pouvait tomber au-dessous de sa valeur d’acquisition, et le conseiller ne l’avait pas informé de ce que la prime de risque était liée à la valeur des parts de fonds et augmentait fortement lorsque ces parts n’évoluaient pas comme prévu. La banque contesta les déclarations du client. Elle répliqua que ses collaborateurs étaient compétents et attachés à informer le client de manière exacte et exhaustive. Par ailleurs, elle ne disposait d’aucun élément tendant à prouver que tel n’avait pas été le cas en l’occurrence. Mais ni le client, ni la banque ne furent en mesure de démontrer que leur version était la bonne.
La banque refusa d’entendre l’argument selon lequel divers clients présenteraient les mêmes réclamations. Elle refusa aussi tout net de transiger.